Assises de Namur : “Nico Becker a été mis à mort par deux hommes”, estiment les parties civiles qui demandent aux jurés de retenir l’assassinat
Me Mary rappelle les paroles tenues par Alix Verbruggen lors de ses premières auditions : “Tout était prévu, On savait qu’on allait aller brûler le corps de Nico dans les prairies.”
- Publié le 22-04-2024 à 16h28
- Mis à jour le 22-04-2024 à 17h30
Les plaidoiries des avocats des parties civiles sont intervenues lundi après-midi, dans le cadre du procès en assises de Gaëtan Legros et d’Alix Verbruggen, qui doivent répondre de l’assassinat de Nico Becker et d’incendie volontaire.
Le corps de Nico Becker a été retrouvé dans sa camionnette, qui avait été incendiée, le 8 août 2022 à Lonzée. Gaëtan Legros, tenancier d’une friterie de la région a reconnu avoir tiré à 2 reprises sur la victime, qu’il accusait de vouloir le racketter. Il a été aidé par Alix Verbruggen pour évacuer le corps. Tous deux nient avoir prémédité la mort de Becker.
Les parties civiles sont défendues par Mes Sven Mary, Gaylord Gabrielli, Julien Delchambre et Lucas Pinelli.
Me Mary a pris la parole en premier pour Marina Verstraeten, la maman de Nico Becker. “Le 9 août 2022, le fils de ma cliente n’est pas rentré. Elle a essayé de le contacter par tous les moyens. Il ne répondait pas. Elle a patienté. Elle se disait que son téléphone n’avait plus de batterie. À bout de nerfs, elle a appelé le 100 pour savoir s’il n’avait pas eu un accident. Non, il avait été mis à mort par deux hommes.”
”Une masse noire, sans visage”
L’avocat poursuit le récit du calvaire de sa cliente : “Le lendemain, on lui annonçait que la voiture de son fils avait été retrouvée brûlée, avec un corps à l’intérieur. Une masse noire, sans visage. Son Nico était cette chose noire et calcinée. Les accusés ont décidé qu’on ne laisserait pas à cette mère l’apaisement de voir une dernière fois son visage, que son corbillard serait sa Citroën Berlingo.”
L’avocat fait à ce moment distribuer 2 photos de Nico Becker à la cour. “Mesdames et messieurs les jurés, je vous présente Nico Becker. C’était un gamin de 21 ans, 1m81 pour 72 kilos de vie. Avant d’être réduit à rien. On tentera de vous faire croire qu’il a fait peur à Gaëtan Legros, de la racketter. Dont on disait qu’il n’avait peur de personne, que c’était une force de la nature, un costaud à qui il en fallait beaucoup pour lui faire peur. Nico faisait la moitié du poids de Legros, qui pesait 140 kilos à cette époque. Et on accuse Nico d’avoir voulu racketter l’accusé ? Ils ont aussi volé son honneur à Nico Becker, en l’accusant de racket.”
Pour Me Mary, un être humain normal aurait été dénoncer les faits à la police plutôt que de se faire justice lui-même. “Legros explique qu’il était terrorisé ? Même si vous “gobez” l’histoire du racket, vous devrez répondre oui à la question du meurtre et oui à celle de la préméditation.”
Pour l’avocat des parties civiles, il y a eu préméditation
L’avocat met en avant des déclarations spontanées des deux accusés, réalisées juste après les faits. “On se prépare à l’arrivée de Nico, on va chercher les armes, on les charge, on se met en position. On choisit l’endroit exact pour avoir la meilleure fenêtre de tir. Alix Verbruggen est conscient de l’aide indispensable qu’il doit donner : amener Nico là où Legros ne le loupera pas. Et il ne l’a pas loupé, avec sa lunette de précision. Tout était préparé minutieusement pour ne laisser aucune chance à Nico Becker.”
Me Mary poursuit le récit des faits : “Nico est arrivé seul, non-armé chez ceux qu’il considère comme ses amis, il a embrassé Verbruggen, qui était bien placé. La fenêtre de tir de Legros, chasseur expérimenté, était parfaite. Il le touche au thorax mais Legros n’en a pas fini avec lui. Il aurait pu être sauvé en intervenant rapidement a confié le légiste. Mais on ne voulait pas le sauver, on voulait l’achever. Legros est descendu calmement avec une autre arme, un fusil de chasse. Qu’est-ce que Nico a pu penser à ce moment-là ? Il était conscient de ce qui se passait a précisé l’expert. Et Gaëtan Legros lui tire dessus à moins de 2 mètres, en pleine tête avec une arme qui sert à tuer du gibier. Il lui a explosé la cervelle.”
Me Mary rappelle les paroles tenues par Alix Verbruggen lors de ses premières auditions : “Tout était prévu, On savait qu’on allait aller brûler le corps de Nico dans les prairies.” “Pourquoi ? Pour faire disparaître les preuves”, précise l’avocat, qui rappelle ensuite les critères d’un meurtre.
” Legros a utilisé 2 armes à feu différentes avec lesquelles il a tiré dans des parties vitales du corps. D’abord dans le thorax avec une lunette de précision puis à moins de deux mètres avec un fusil de chasse.”
Au sujet de la préméditation, Me Mary ajoute : “Il y a eu le choix et la préparation des armes, qui étaient chargées. 3 armes étaient préparées, une avec une lunette, une de chasse pour achever Nico dans la tête et une dernière, au cas où cela se passerait mal. Il avait donné rendez-vous à la victime dans un lieu propice, où il était placé en embuscade et où la victime était placée dans la fenêtre de tir. Bref, il lui a tendu un piège. Après les faits, il a fait disparaître le corps et a détruit les éléments matériels permettant de l’identifier.”
L’avocat rappelle ce que Gaëtan Legros a écrit le 7 août 2022 à un cafetier qui était au courant de la scène de racket : “Ça craint ce que je compte faire, mais soit”.
Me Mary précise encore : “Verbruggen a confirmé à 2 reprises à la police et au juge d’instruction que tout était préparé. Il a déclaré cela 2 fois, et librement, en présence d’un avocat. Avant d’entamer un revirement à 180 degrés et de dire que rien n’avait été prémédité. Il a changé de version quand il a changé d’avocat et est revenu sur ses premières déclarations.”
Rendre à Nico son honneur
L’avocat met en doute la scène lors de laquelle Legros aurait été racketté dans un café de Gembloux par Nico Becker. “L’accusé déclare que cette scène de 2 heures aurait eu lieu dans le fumoir du bar. Et il n’y aurait eu aucun témoin ? Personne n’aurait rien entendu, ne serait venu à l’aide ? Plusieurs amis de Legros étaient pourtant présents. Cela ne tient pas.”
Et de conclure : “Dans cette salle, vous pouvez rendre à Nico Becker son honneur. Il n’était pas un racketteur. Il a été froidement assassiné.”
Me Delchambre a ensuite pris la parole, au nom d’Alicia Becker, sœur de la victime. “Je suis en colère. Nous espérions enfin avoir des réponses et de l’honnêteté ou qu’on nous témoigne un minimum d’humanité. Les accusés n’en ont aucune. Ils n’expriment aucune émotion. Nous n’aurons pas la vérité, mais nous aurons une vérité judiciaire : un auteur, un acte, une intention. Il y a eu de multiples retournements de veste de la part des accusés.”
L’avocat rappelle que Legros avait préparé 2 armes chargées au moment de l’arrivée de Becker. “Nico était seul, n’avait pas d’arme, n’était pas menaçant, il venait de faire la bise à Verbruggen. Leurs versions, au départ éloignées sur des points essentiels ont convergé au fur et à mesure de leurs auditions. Alors qu’Alix Verbruggen affirmait que les faits avaient été prémédités, ses déclarations ont évolué. Legros minimise le rôle de son ami au fil du temps. Les rôles étaient certains et déterminés : il s’agissait d’un assassinat.”
Me Pinelli est ensuite intervenu, pour Josette Jassogne, la grand-mère de Nico Becker. “Un sentiment désagréable m’anime. On a assisté au procès de la famille Becker. On dit qu’ils sont méchants, qu’ils font peur.”
L’avocat rappelle que le frère de Gaëtan Legros a été condamné pour un meurtre commis dans le cadre d’un braquage. “Legros et Verbruggen ont exécuté Nico Becker. Il s’agissait d’une scène de chasse. La chasse, c’est pour tuer. Il y a le tireur, mais aussi le rabatteur.” L’avocat rappelle une déclaration de Verbruggen : “Il m’a dit d’aller jouer à la pétanque et qu’il allait le buter”.
Me Pinelli précise : “Alix savait quel était son rôle même s’il s’en défend. Il n’a pas tiré sur Nico Becker, mais il a joué un rôle indispensable dans cette exécution. Il était sur le terrain de pétanque pour attirer Nico à cet endroit. Il n’y avait pas de place pour le hasard. Tout était calculé pour offrir à Gaëtan Legros la meilleure fenêtre de tir.”
Me Gabrielli a pris la parole en dernier, pour la sœur de la victime, Marissa Becker. “Durant le procès, la décence a été bafouée, quand la mère de Gaëtan Legros a dit que Nico Becker avait semé le malheur dans sa famille. Nico Becker n’était pas connu de la police, il n’était pas un racketteur, il n’était pas violent, ne consommait pas de stupéfiants. Il était respectueux, serviable et méticuleux, il avait des valeurs. Il s’est toujours forcé à être exemplaire pour donner une autre image de son nom de famille. Sa dernière image sera celle de son ami Gaëtan Legros qui l’abat à bout portant. Les deux accusés ont ensuite profané le corps de Nico en le brûlant, plongeant sa famille dans les ténèbres d’un deuil impossible à réaliser. Les proches de Nico souhaitent que justice soit faite.”